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«Les gens fument pour la nicotine, mais ils meurent à cause du goudron», a rappelé le Pr Auer en citant le Pr Michael Russell, chercheur de renom. L’intervenant a ainsi illustré en deux mots le point central de son sujet, à savoir la zone grise entre le potentiel de risque et le potentiel de dépendance associé à la consommation de nicotine. Conscients des risques pour leur santé, de nombreux fumeurs veulent certes arrêter de fumer, mais ils y parviennent rarement sans aide, la dépendance étant trop forte. Alors que le potentiel de dépendance est lié à la nicotine, les risques pour la santé proviennent principalement des produits de combustion du tabac. « La nicotine n’est pas cancérigène en soi », a souligné l’expert, dans un contexte où l’opinion selon laquelle la nicotine est cancérigène est encore largement répandue. «C’est le tabac qui est cancérigène, pas la nicotine». Dans ce contexte, il ne faut pas oublier que la nicotine est à l’origine d’une activation du système nerveux sympathique et qu’elle peut donc augmenter le risque d’infarctus du myocarde ainsi que la pression arté- rielle et la fréquence cardiaque. Des études randomisées ont également montré que les thérapies de substitution de la nicotine (sans tabac mais avec de la nicotine) ne sont pas associées à un risque accru d’infarctus du myocarde, selon le Pr Auer. Le rôle de la nicotine en tant que facteur de risque d’athérosclérose est quant à lui controversé. On soupçonne également un effet potentiellement né- gatif sur l’évolution de la maladie de Crohn. En revanche, des effets positifs potentiels ne sont pas exclus dans la maladie d’Alzheimer, la maladie de Parkinson, la sarcoïdose et la rectocolite ulcéreuse. Potentiel de risque vs potentiel de dépendance «Ce qui est extrêmement important dans le cas de la nicotine, c’est sa demivie », a déclaré le Pr Auer, citant ainsi un facteur important intervenant dans le potentiel de dépendance à la nicotine. Par ailleurs, il faut tenir compte des facteurs sociaux et personnels de chaque fumeur lors du conseil pour le sevrage tabagique. Le risque potentiel des cigarettes provient pour l’essentiel des produits de combustion du tabac, la nicotine étant responsable du fort potentiel de dépendance qui fait que la plupart des fumeurs ne parviennent pas à arrêter de fumer sans aide. Ces facteurs conduisent à une nouvelle approche du problème, à savoir la réduction des risques. Une grande diversité de nouveaux produits à base de nicotine Les thérapies de substitution à la nicotine (officiellement disponibles uniquement en pharmacie) et les nouveaux produits à base de nicotine permettent une consommation de nicotine moins nocive. Parmi ces derniers, on trouve le snus (avec ou sans tabac), les cigarettes électroniques et les chauffetabac. La libération de nicotine varie d’un produit à l’autre, ce qui a un effet important sur les risques pour la santé. En partant des cigarettes, dont l’effet est très toxique en raison de la combustion du tabac, le potentiel de risque va, selon le Pr Auer, dans l’ordre décroissant suivant: (1) les chauffetabacs, qui contiennent encore du tabac, mais libèrent, en l’absence de combustion, des substances nocives à des concentrations nettement inférieures à celles des cigarettes; (2) les ecigarettes, dépourvues de tabac et donc des nombreuses substances nocives spécifiques au tabac, mais il reste d’autres substances cancérigènes, même si elles sont à des concentrations beaucoup plus faibles que dans les cigarettes; (3) le snus contenant du tabac, avec un risque d’absorption des substances nocives spé- cifiques au tabac par la muqueuse buccale ; des données en vie réelle provenant de Suède montrent toutefois qu’il y a, depuis la diffusion croissante du snus, une diminution des cas de cancer du poumon et de maladies cardiovasculaires (chez les hommes); (4) snus sans tabac (sachets [pouches]de nicotine) : le cas échéant, risque de cancer du poumon et de maladies cardiovasculaires en raison du risque lié aux additifs; (5) NRT (nicotine replacement therapy): risques pour la santé en lien avec la nicotine proprement dite. Dans le débat sur l’utilisation des substituts nicotiniques, il est donc important de considérer leur potentiel de soutien au servage tabagique par rapport à leur potentiel de risque. «There is no harm of being sometimes wrong – especially if someone is promptly found out », a cité le Pr Auer, encourageant ainsi les dé- tracteurs des nouveaux produits à base de nicotine à reconsidérer leur point de vue. Il est important de ne pas fermer les yeux sur les avantages de produits novateurs comme les ecigarettes et d’autres formes alternatives de consommation de nicotine. Comme l’a constaté le spécialiste, les mythes ont la vie dure, parmi eux le potentiel de nocivité prétendument très élevé des ecigarettes. Lors du choix de l’aide au servage tabagique appropriée, il faut tenir compte non seulement du potentiel de risque, mais aussi de la dynamique de diffusion de la nicotine. Dans le cas des cigarettes, la substance addictive passe des poumons au cerveau via la circulation sanguine – la diffusion est donc très rapide. Afin de permettre le «kick» de nicotine et d’améliorer ainsi l’acceptation par les candidats au sevrage tabagique, l’aide devrait libérer la nicotine à une vitesse comparable. Dans le cas des gommes à mâcher à la nicotine, la diffusion de nicotine est retardée, et, dans le cas des patchs à la nicotine, elle est même nettement retardée. Dans le cas de l’ecigarette, en revanche, la vitesse de diffusion est comparable à celle de la cigarette. «Estce que les ecigarettes vont aider à arrêter de fumer? Bien sûr!», a commenté le Pr Auer. Pour les conseils en matière de servage tabagique, le spécialiste a recommandé les thérapies de substitution à la nicotine comme «premier choix» car elles montrent une bonne efficacité avec de faibles risques. Le prix élevé de cette catégorie de produits pose toutefois problème. Par ailleurs, les interventions non médicamenteuses, comme la thérapie cognitivocomportementale, sont un pilier de la thérapie. Les médicaments peuvent également jouer un rôle dans les conseils pour arrêter de fumer. Il s’agit de la varénicline (actuellement non disponible), du bupropion et de la cytisine (une bonne alternative à la varénicline, mais non autorisée en Suisse). En ce qui concerne les nouveaux produits à base de nicotine, le Pr Auer s’est exprimé en ces termes: «Je conseille aux personnes chez lesquelles les thé- rapies de substitution à la nicotine ou d’autres thérapies n’ont pas fonctionné d’aller dans une boutique de cigarettes électroniques et d’essayer les ecigarettes ou les sachets de nicotine, a fortiori les personnes ayant moins de ressources financières – comme alternative aux thérapies de substitution de la nicotine, qui pèsent très lourd dans le budget». Des preuves fournies par les études randomisées Le Pr Auer a étayé la raison d’être des ecigarettes en tant qu’aide à la réduction des risques pour le sevrage tabagique en présentant les données de deux études randomisées. Dans leur étude incluant 886 participants, Hajek et al. 1 ont comparé l’efficacité des thérapies de substitution nicotinique à celle des cigarettes électroniques en termes de durée de l’abstinence tabagique. À un an, le taux d’abstinence était de 18,0% dans le groupe ecigarettes vs 9,9% dans le groupe NRT (RR : 1,83 ; IC 95% 1,30-2,58; p<0,001). Ainsi, alors que les ecigarettes favorisaient certes l’abstinence aux cigarettes, elles avaient aussi un inconvénient: après une année sans tabac, 80 % des participants sont restés aux ecigarettes, tandis que seuls 9% sont restés aux NRT et ont donc continué à être dépendants à la nicotine. Une autre étude randomisée 2, à laquelle le Pr Auer a luimême participé, s’est déroulée dans plusieurs centres en Suisse et a inclus 1246 participants. Les chercheurs ont comparé deux groupes: (1) groupe contrôle : conseils de 30 minutes pour arrêter de fumer et recours éventuel à des thérapies de substitution à la nicotine ; (2) groupe d’intervention avec ecigarette et libre choix des arômes et de la concentration en nicotine. La proportion de participants ayant une abstinence continue était de 28,9% dans le groupe d’intervention et de 16,3% dans le groupe contrôle (RR: 1,77 ; IC 95%: 1,43-2,20). La proportion de participants qui n’avaient pas fumé au cours des sept jours précé- dant le contrôle final était de 59,6% dans le groupe d’intervention et de 38,5% dans le groupe contrôle. Toutefois, une tendance comparable, bien que moins marquée, à celle observée par Hajek et al. s’est dessinée : la proportion de participants qui ont renoncé à toute consommation de nicotine n’était que de 20,1% dans le groupe d’intervention, alors qu’elle était de 33,7% dans le groupe témoin. Là aussi, les participants ont donc davantage pu s’affranchir des NRT que des ecigarettes. Dépendance à la nicotine – aussi une question morale Pour conclure, le Pr Auer s’est adressé à l’auditoire : «Combien de nicotinodépendants supplémentaires pouvonsnous accepter pour chaque sevrage tabagique réussi avec l’utilisation de nouveaux produits à la nicotine en remplacement des cigarettes contenant du tabac ?» Une question qui prend une dimension morale, a souligné le spécialiste, parce qu’elle concerne la protection de la jeunesse. «J’ai moimême deux jeunes enfants et je ne veux pas qu’ils s’y mettent», a souligné le Pr Auer. Les réponses ont été éloquentes: 10,4% pour l’affirmation «Aucune personne supplémentaire ne doit devenir dépendante à la nicotine » ; 9,4% pour «Une personne pour 1000 qui arrêtent ainsi de fumer du tabac » ; 25% pour «Une personne pour 100 qui arrêtent ainsi de fumer du tabac»; 31% pour «Une personne pour dix qui arrêtent ainsi de fumer du tabac » ; 24,1 % pour « Peu m’importe si beaucoup deviennent dépendants à la nicotine. Seul l’arrêt du tabac compte ». Les personnes qui optent pour l’une des deux premières options sont souvent sceptiques vis-à-vis des nouveaux produits à base de nicotine. Pour résoudre ce point de tension central dans le débat, il est certes important, selon le spécialiste, de pouvoir proposer aux fumeurs une approche de réduction des risques, mais il faut aussi prévenir au mieux l’entrée dans la consommation de nicotine. « Je pense que pour celles et ceux qui sont farouchement opposés à l’ecigarette, c’est une question morale. Tu as un problème de dépendance, soit, mais ne dis pas que les ecigarettes sont plus dangereuses que les cigarettes ». En conséquence, il ne faut pas vouloir interdire les nouveaux produits, mais les réglementer de manière ciblée. Des mesures envisageables seraient une réduction de l’offre (p. ex. moins de points de vente) et de la demande (p. ex. taxation) et des stratégies de réduction des risques (p. ex. produits à faible risque). «Hate the smoke, love the smokers», a conclu le Pr Auer. LMR 1. Hajek Pet al. N Engl J Med. 2019; 380(7): 629-637 2. Auer Ret al. N Engl J Med. 2024; 390(7): 601-610 DAVOS – D’un côté, les produits alternatifs à la nicotine, comme les ecigarettes, permettent une approche fondée sur la réduction des risques chez les sujets dépendants à la nicotine, alors que d’un autre côté ces mêmes produits sont potentiellement une porte ouverte à la consommation de nicotine. Lors du 64e congrès médical Davos 2025, le Pr Reto Auer, responsable de l’Unité Consommation de substances, Institut bernois de médecine de famille (BIHAM), Université de Berne, s’est exprimé sur ces aspects contradictoires. Des conseils dépourvus de préjugés pour le sevrage tabagique « Hate the smoke, love the smokers » L’exposé du Pr Auer en session plénière au centre de congrès de Davos. Photo : MT Le Monde Dentaire Suisse · 11e année · No 2/2025 · www.zahnzeitung.ch Sevrage tabagique 9